Tintin et Tchang

UNE DOUBLE EXPOSITION

Du 27 janvier au 30 juin 2024, le Musée Hergé de Louvain-la-Neuve (Belgique) s’associe au Département des Alpes-Maritimes pour dévoiler dans une double exposition intitulée Tintin, Hergé et Tchang les multiples facettes du père de Tintin à travers une superbe sélection de documents précieux, de dessins originaux et d’objets, présentés pour la première fois sur la Côte d’Azur.

De l’illustration à la bande dessinée en passant par la publicité, le dessin de presse et les arts plastiques, Georges Remi, alias Hergé, sera mis à l’honneur.

Sa vie et son œuvre seront accessibles à Nice dans deux lieux culturels d’exception gratuits et ouverts à tous.

Hergé, Georges Remi de son vrai nom, est né le 22 mai 1907 à Etterbeek en Belgique. Il présente très tôt un intérêt et un talent pour le dessin et signe, à l’adolescence, des illustrations pour les revues scoutes sous son pseudonyme qui deviendra célèbre : Hergé. Considéré comme le père de la bande dessinée moderne, il ouvrira la voie à ce medium qui depuis s’impose dans les arts narratifs en créant un style qui lui est propre : la célèbre ligne claire.

Cette double exposition retrace le parcours d’une vie, d’une œuvre et d’un destin exceptionnel !

Tintin et Tchang au musée départemental des arts asiatiques

Les Aventures de Tintin sont publiées pour la première fois le 10 janvier 1929 dans Le Petit Vingtième, supplément hebdomadaire d’un journal belge destiné à la jeunesse. Alors qu’Hergé rêve d’un Tintin en Extrême-Orient, il rencontre Tchang Tchong-jen, un jeune étudiant chinois qui va l’initier à la culture de son pays et participer à la création de son chef-d'œuvre : Le Lotus bleu. À la parution de l’album en 1934, lectrices et lecteurs assistent à la rencontre entre Tintin et son alter ego chinois Tchang. Une rencontre qui restera l’une des plus décisives pour le jeune reporter et pour Hergé puisqu’elle fait de lui un auteur, dessinateur et scénariste à succès. Son style s’affirme et tout au long du XXe siècle, sa notoriété ne cesse de grandir en France et dans le monde, le rendant incontournable.

Hergé et le véritable Tchang, celui qui prête son nom au personnage de la BD, se rencontrent en 1934 à Bruxelles. Les deux jeunes artistes partagent de nombreux points communs comme la peinture, la sculpture et le dessin, car Tchang est en Europe grâce à une bourse pour perfectionner sa technique d’aquarelliste. Parlant parfaitement le français, qu’il avait appris auprès d’un jésuite de Shanghai, Tchang enseigne à Hergé la peinture au pinceau et à l’encre de Chine et va lui apprendre à dépasser les stéréotypes sur la Chine. Leur rencontre est aussi intense que brève car Tchang doit retourner précipitamment en Chine dès 1935. Il faudra à Hergé plus de 30 ans pour retrouver la trace de son cher ami et plus de 45 ans pour le revoir. Les lettres que les deux artistes échangent à la fin des années 1970 montrent la teneur de leurs conversations et la valeur quasi heuristique qu’Hergé leur confère.

« Et brusquement me revient à l’esprit une conversation que nous avons eue à propos d’un arbre qui se trouvait dans un jardin. Vous m’avez « expliqué » cet arbre. Vous m’avez parlé de lui, des sentiments qu’il avait éprouvés, et qui s’étaient marqués dans sa structure. Vous m’avez fait voir son premier élan vers la vie, son enthousiasme, puis son premier découragement, le courage et la ténacité dont il a fait preuve et qui l’avaient aidé à surmonter ces défaillances… Non seulement vous « sentiez » cet arbre, mais vous vous identifiiez à lui. Et je vous écoutais, fasciné… Et je découvrais ainsi, grâce à vous, que nous ne faisions qu’un avec la nature, avec l’Univers. Je découvrais que nous étions l’Univers. C’est une des grandes leçons que vous m’avez données, mon cher Tchang… » 

Extrait d’une lettre d’Hergé à Tchang, Bruxelles, 1976, dans Hergé par lui-même de Dominique Maricq.

Profondément marqué par l’altérité au cœur de cette nouvelle amitié, Hergé n’est plus le même conteur après leur rencontre ; il envisage différemment les personnages que Tintin croise lors de ses aventures ; les « autres » deviennent des personnages à part entière, et certains, comme Tchang, deviennent des amis. Même si ses apparitions sont réduites, une quinzaine de pages dans deux albums de Tintin : Le Lotus bleu et Tintin au Tibet, Tchang devient le symbole de l’ouverture au monde de Tintin mais aussi de son créateur Hergé.

L’exposition au musée départemental des arts asiatiques à Nice nous raconte l’histoire de ces deux amitiés, entre Hergé et Tchang, entre Tchang et Tintin.

Couverture de la première édition belge, « imprimerie Casterman » éditée en 1960.Couverture de la première édition belge, « imprimerie Casterman » éditée en 1960.© Hergé–Tintinimaginatio 2024

Tintin au Tibet

Choisir un nouveau lieu pour les aventures de Tintin n’est jamais anodin. La quête d’authenticité d’Hergé le pousse à ancrer ses personnages dans un univers qui nécessite un effort de recherche. À la fin des années 1950 Hergé tergiverse, mais finit par se décider : Tintin ira au Tibet ! L’auteur a d’ailleurs reçu de la part du directeur de la compagnie Air India des photos et des dépliants qui lui servent de base pour imaginer envoyer ses héros en Inde et au Népal. Son crayon transpose de manière convaincante l’ambiance des villes, la foule, les femmes en sari et la rupture entre l’effervescence de New Delhi et le calme olympien de l’Himalaya. C’est Alexis Remi, le père d’Hergé, qui se charge de tenir à jour la documentation, jusqu’à la parution de l’album en novembre 1959. Cette part importante du processus créatif d’Hergé tient une place de choix dans l’exposition, où les planches d’albums côtoient des feuillets de documentation, des photographies et des ouvrages spécialisés que l’auteur aimait à consulter.

Mais choisir le Tibet c’est aussi s’autoriser à la rêverie et à une quête plus personnelle qui fait ressurgir un fantôme du passé d’Hergé et de Tintin : Tchang. Car dans les hauteurs immaculées de l’Himalaya, les obstacles que Tintin doit surmonter sont principalement métaphoriques. Certes, il poursuit le yéti, mais il est avant tout à la recherche son ami rencontré dans Le Lotus bleu. Le dernier échange épistolaire avec le véritable Tchang date de près de 30 ans et à travers cet album Hergé s’interroge sur le sort de son ami perdu. Dans un va-et-vient entre l’œuvre et la vie, le souvenir de cette amitié mène Tintin à braver les plus hauts sommets du monde et conduit Hergé à rechercher son camarade en Chine pour le ramener enfin à Bruxelles en 1981.

Tintin en Extrême-Orient Illustration de couverture pour Le Petit Vingtième du 21 mars 1934 Fan Se-Yeng Encre de Chine et gouache sur papier à dessinTintin en Extrême-Orient
Illustration de couverture pour Le Petit Vingtième du 21 mars 1934
Fan Se-Yeng
Encre de Chine et gouache sur papier à dessin
© Hergé–Tintinimaginatio 2024

Le Lotus bleu

Sorti en 1936, le cinquième opus des Aventures de Tintin conduit le jeune reporter à démanteler un trafic d’opium international. Alors qu’il séjourne en Inde chez un maharadjah généreux, il est invité à se rendre en Chine où, aidé par la société secrète « Les Fils du Dragon » et par son nouvel ami Tchang, il parvient à déjouer les pièges tendus par ses ennemis. Mais l’important dans cette aventure se passe sur les bords du fleuve Yang-Tsé-Kiang, lorsque Tintin sauve Tchang de la noyade. De cet épisode naît un dialogue entre deux mondes, et une amitié solide. Le nouveau compagnon de Tintin devient une aide précieuse. Il le guide dans les dédales de Shanghai et l’initie aux mystères de la Chine. Plus qu’une aventure dans la carrière du petit reporter, cet album symbolise la rencontre entre Hergé et Tchang Tchong-jen, entre Hergé et la Chine.

Le Lotus bleu Planche 110 Encre de Chine et gouache sur papier à dessin 1935 - Image en taille réelle, .JPG 0,99Mo (fenêtre modale)Le Lotus bleu
Planche 110
Encre de Chine et gouache sur papier à dessin
1935
© Hergé–Tintinimaginatio 2024

Ce moment de vie important est célébré dans la présente exposition au travers de nombreux documents. Les planches à l’encre de Chine de l’album Le Lotus bleu illustrent l’influence de cette rencontre sur la pratique artistique d’Hergé, un mur de fascicules Le Petit Vingtième, en rapport avec Le Lotus bleu, évoque l’intense activité d’Hergé en tant que dessinateur et illustrateur et les feuillets de documentation et esquisses permettent aux visiteurs de revenir sur le processus créatif et d’assister à la naissance des personnages. Enfin, des objets personnels de Tchang et d’Hergé complètent le panorama.

BIOGRAPHIE

1907 Naissance de Georges Remi à Bruxelles, le 22 mai.

1920 Début de ses études secondaires au collège Saint-Boniface, à Bruxelles. C’est un excellent élève, sauf en dessin.

1921 Il entre dans la troupe scoute du collège, où il recevra le nom totémique de Renard curieux. Ses premiers dessins paraissent dans Jamais assez, la revue scoute de l’établissement et ensuite dans Le Boy-Scout belge, le mensuel des scouts de Belgique.

1924 C’est du nom de Hergé – RG, transcription phonétique des initiales de ses nom et prénom – qu’il signe désormais ses illustrations.

1925 Ses études terminées, Georges Remi est engagé au journal Le Vingtième Siècle au Service des abonnements.

1926 Naissance de Totor, CP des Hannetons, prémisse de Tintin, dans Le Boy-Scout belge.

1928 Hergé est nommé rédacteur en chef du Petit Vingtième, le supplément hebdomadaire pour la jeunesse du Vingtième Siècle. Le premier numéro paraît le 1er novembre.

1929 Le 10 janvier, naissance de Tintin et Milou dans Le Petit Vingtième.

1930 Création de Quick et Flupke.
Publication de Tintin au pays des Soviets aux Éditions du Petit Vingtième

1932 Georges Remi épouse Germaine Kieckens.

1934 Tintin est désormais édité aux Éditions Casterman. Hergé rencontre un jeune étudiant chinois, Tchang Tchong-jen. Cette amitié marque un tournant décisif dans sa carrière.

1935 Création de Jo, Zette et Jocko.

1940 Le 10 mai, la Belgique est envahie par les troupes allemandes. Le Vingtième Siècle, Le Petit Vingtième disparaissent.

1950 Création des Studios Hergé à l’occasion de la publication de On a marché sur la Lune, qui nécessite un travail technique important et une grande rigueur documentaire.

1958 Hergé traverse une crise personnelle, mais parvient à mener à son terme l’épisode Tintin au Tibet.

1960 Sortie de la première adaptation cinématographique d’un album de Tintin : Le Mystère de la Toison d’Or.
Georges Remi découvre l’art contemporain et devient un collectionneur passionné.
Il se sépare de son épouse et commence à voyager avec celle qu’il épousera en secondes noces, Fanny Vlamynck.

1969 Sortie du premier dessin animé de long métrage à partir d’un album : Le Temple du Soleil.

1977 Le divorce avec sa première épouse ayant été prononcé, Georges Remi épouse Fanny Vlamynck.

1979 Commémorations pour les 50 ans de Tintin. Andy Warhol réalise une série de quatre portraits d’Hergé à la demande de ce dernier.

1981 Retrouvailles entre Hergé et Tchang Tchong-jen, l’ami chinois qui avait joué un rôle déterminant dans la création du Lotus bleu.

1983 Georges Remi, dit Hergé, s’éteint le 3 mars à Bruxelles.