Du 27 juillet 2024 au 5 janvier 2025.

Cette exposition explore l’univers du bambou au Japon, un ensemble culturel où s’agrègent l’histoire de l’archipel, de son art et de son rapport à la Chine. Le visiteur découvrira des créations contemporaines avant d’appréhender les racines d’une tradition millénaire dans un récit qui s’articule autour de trois grandes lignées d’artistes.

Une lointaine origine

La vannerie japonaise de bambou est une tradition millénaire comme en témoignent les nombreux objets qui ont survécu à l’épreuve du temps. Leur diversité atteste de techniques artisanales ancestrales ancrées dans la culture japonaise. La tradition de la vannerie n’a cessé d’évoluer au fil des siècles et des contacts avec la Chine pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui : un art à part entière.

Le monde de la vannerie au Japon connaît un premier bouleversement au XVe siècle lorsque, sous le règne du shōgun Ashikaga Yoshimitsu (1358-1408), le commerce s’établit avec la Chine des Ming (1368-1644) et permet l'importation de karamono (littéralement « choses chinoises ») qui vont séduire pendant les siècles à venir l'élite japonaise.

Les périodes Muromachi (1336-1573) et Azuchi Momoyama (1573-1603) voient l’émergence d’une nouvelle esthétique liée à l’art du thé chanoyu : wabi-sabi. Les arrangements floraux formels, jusqu’alors réalisés dans des karamono, sont remplacés par des compositions plus libres avec des fleurs sauvages dans des paniers grossièrement tressés. Fidèles à la simplicité propre à l’artisanat japonais, les vanneries prennent une forme asymétrique, légèrement oblique avec des mailles rugueuses, qui leur donne un côté plus rustique.

Le sakoku (littéralement « fermeture du pays ») imposé par le shogunat Tokugawa de l’époque d’Edo (1603-1868) rend les importations chinoises, si chères aux élites, rares et onéreuses. En Chine, faute de marché extérieur, la production de paniers en bambou se tarit, tandis qu’au Japon, leur popularité encourage une production locale dans le goût chinois : les karamono utsushi. Au milieu du XIXe siècle, les vanniers japonais hautement qualifiés, les kagoshi, sont sollicités par des marchands pour reproduire d’anciens paniers chinois. Ces « copies » deviennent des produits de luxe réservés à une élite fortunée pour laquelle le mode de vie des bunjin (lettrés) est resté un idéal intellectuel.

Naissance d’une avant-garde

Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux artistes japonais rompent avec les traditions et explorent de nouvelles voies d’expression. Cela donne naissance à un mouvement d’avant-garde qui se caractérise par l’utilisation de nouvelles techniques. L’art de la vannerie de bambou change radicalement en produisant désormais des sculptures aux formes abstraites et non plus seulement des objets fonctionnels. Certains artistes considèrent qu’il devient nécessaire de s’émanciper de l’influence des lignées héréditaires, des guildes et des écoles. Ces esprits libres, parfois autodidactes, s’engagent dans une voie nouvelle et repoussent les limites de cet art ancestral.

En 1956, Shōno Shōunsai (1904-1974) crée la première sculpture en bambou : un panier à fleurs nommé Dotō (Vague déferlante) qui remporte cette année-là un prix à la prestigieuse exposition des beaux-arts du Japon. Dans les décennies qui suivent, l’accueil enthousiaste réservé aux pièces sculpturales par les collectionneurs et les érudits encourage certains artistes dans cette voie.

À partir des années 1980, le mécénat étranger, notamment celui des collectionneurs américains, accélère cette transformation car les œuvres non utilitaires sont particulièrement admirées et appréciées des occidentaux. L’art du bambou japonais acquiert une reconnaissance internationale qui ne cessera de croître.

Les artistes présentés dans cette exposition ont fait évoluer cet art du bambou en explorant de nouvelles techniques, de nouvelles thématiques mais aussi de nouveaux matériaux. Car passer de l’objet fonctionnel à la sculpture leur permet d’intégrer des matériaux jusque-là absents des pratiques. Bois, métal, ficelle, poudre d’argile, teintures de couleurs vives, feuille d’or, et autres se mêlent désormais au bambou.

L’émergence d’une avant-garde a permis à l’art du bambou de se libérer des traditions et d’inventer un nouveau mode d’expression, créant un art contemporain dynamique, innovant et reconnu.

L’art des thés

Le thé arrive au Japon par l’intermédiaire des missionnaires bouddhistes chinois vers le IXe siècle. D’abord
utilisé dans les monastères à des fins médicinales, il est ensuite introduit à la cour et dans l’aristocratie.

Cérémonie du thé chanoyu

Le matcha, utilisé pour la cérémonie chanoyu, apparaît au cours du XIIIe siècle. Les feuilles de thé vert
sont séchées, broyées et réduites en poudre puis émulsionnées avec un fouet en bambou dans de l’eau
chaude. La préparation est servie à un petit groupe d’invités dans un environnement calme et dépouillé.
C’est une expérience collective, spirituelle et esthétique.

Cérémonie du thé sencha

L’arrivée du sencha au Japon se fait pendant la période d’Edo (1603-1868), vers le milieu du XVIIe siècle, grâce aux moines chinois du monastère du Manpuku-ji, quartier général de l’école zen Ōbaku.

Au XIXe siècle, le sencha se propage chez les laïcs, en particulier les commerçants lettrés, on parle alors de bunjincha (thé des lettrés). À l’inverse de leurs homologues chinois, les bunjin (lettrés) n’étaient pas seulement des hauts fonctionnaires mais aussi des amateurs, réunis par leur tropisme sinophile.

Les karamono (littéralement « choses chinoises »), dont les lettrés raffolent, sont essentielles à la bonne pratique du senchadō (la voie du sencha) et leur diffusion au sein de la société a joué un rôle décisif dans les transformations de la culture nippone.

Les objets chinois en bambou, comme les hanakago (vanneries florales) et les kakehanaire (vases muraux) pour les ikebana (arrangements floraux), sont particulièrement appréciés de tous car ils contribuent à l’harmonie du lieu et du moment.

Naissance d’un art : les pères fondateurs

Avec la fin du shogunat Tokugawa de l’époque d’Edo (1603-1868), puis pendant l’ère Meiji (1868-1912), Ōsaka, alors deuxième ville du Japon, compte de nombreux kagoshi (maîtres vanniers), dont la plupart sont des copistes de karamono (littéralement « choses chinoises »). Parmi eux, trois pionniers vont changer le cours de l’histoire de la vannerie de bambou japonaise.

À Ōsaka, Hayakawa Shōkosai I (1815-1897) et Wada Waichisai I (1851-1904) imposent leur créativité, s’affirmant comme les « pères fondateurs » d’un artisanat d’art naissant. Tandis qu’au nord, dans l’actuelle préfecture de Tochigi, émerge le studio d’Iizuka Hōsai I (1851-1916).

Leurs oeuvres s’inspirent des paniers chinois les plus sophistiqués. L’évolution formelle de l’art de la vannerie se fait sous l’influence des bunjin (lettrés) qui se mettent à collectionner les vanneries au même titre que d’autres objets d’art.

L’exposition en quelques lignes

  • Jusqu’ici, seuls quelques grands musées internationaux ont consacré des expositions à la vannerie de bambou : le musée du quai Branly - Jacques Chirac à Paris (2017), le Metropolitan Museum of Art à New York (2018), la Fondation Baur à Genève (2021).
  • Un catalogue inédit et richement illustré accompagne l’exposition et comprend des textes produits par des spécialistes de cet art, ainsi qu’une sélection d’œuvres des collections NAEJ et de la galerie Mingei.
  • L’exposition revient sur plus de 150 ans de tradition artistique. 
  • 100 œuvres (vanneries anciennes et modernes, sculptures, kakejiku, céramiques...) racontant l’histoire de la transformation d’un artisanat en art.
  • Des chefs-d'œuvre de l’art du bambou dont une vannerie primée à Paris en 1925 lors de l’Exposition universelle.

Dossier de presse