Mai Ling, Dialogues

Pour sa première exposition monographique et internationale, le collectif viennois Mai Ling montre la diversité de ses pratiques artistiques et activistes tout en nouant un dialogue étroit avec les espaces du musée et sa riche collection, par l’intégration de voix propres au contexte français.

Une exposition co-produite avec OVNI.
Commissariat de Florent To Lay avec Banyi Huang.

Mai Ling, La belle étrangère (vidéo still), 2019. Vidéo Haute Définition, couleur, son, 7 minutes 15 secondesMai Ling, La belle étrangère (vidéo still), 2019.
Vidéo Haute Définition, couleur, son, 7 minutes 15 secondes
© Mai Ling

Le collectif artistique Mai Ling veut raconter à nouveau l'histoire de cette femme, la sortir de son silence avec des voix collectives et des identités plurielles, pour ainsi en dresser un portrait nouveau à travers différents projets artistiques où elle peut enfin retrouver une parole qui lui est propre. Désormais, “Mai Ling” se présente aux visiteurs et les guide à travers le musée (Mai Ling guide), elle raconte son histoire (Qui est Mai Ling ?), Mai Ling cuisine, Mai Ling prend la parole, parfois sans réussite (Parler dans le vide). On la découvre alors sous un angle nouveau et, pour ainsi dire, démultiplié.

L’image des femmes asiatiques réduites à des objets exotiques, la perception et le traitement des corps genrés et racisés dans les sociétés occidentales, ou encore la toile de fond historique et ethnographique du “regard européen” vis-à-vis de la culture dite “extrême-orientale”, tels sont les thèmes explorés par Mai Ling.

Tout savoir sur l’association et collectif artistique Mai Ling

MAI LING, aux origines

Créée à Vienne en 2019, l’association et collectif artistique Mai Ling se présente comme une plateforme de partages et d'échanges destinée à des personnes qui ont vécu ou qui souhaitent lutter contre le racisme, le sexisme, l’homophobie et tous les préjugés liés à la différence, en particulier ceux qui visent les femmes asiatiques. Le nom de “Mai Ling” renvoie à un personnage fictif inventé en 1979 par le célèbre humoriste allemand Gerhard Polt. Présentée dans le manifeste vidéo du collectif intitulé La Belle Étrangère, Mai Ling incarne ce fantasme stéréotypé des femmes asiatiques soumises sans distinction claire de leur origine dans l'imaginaire collectif européen, qui ont été réduites au silence et rendues invisibles. Elle a été achetée à Bangkok, porte un kimono et cuisine des plats chinois. Elle ne parle pas en son nom : Gerhard Polt, son époux bavarois, donne toutes les informations qui la concernent. Par sa docilité et son charme, Mai Ling est ainsi réduite à un objet, un animal de compagnie semblable au chien de son époux

Bien que l’utilisation de cet ancien sketch satirique dans le manifeste vidéo n’offre qu’un point de départ, la normalisation des propos que Polt tient à l’encontre de sa femme-objet en 1979 n’a toujours pas perdu de sa pertinence. En effet, les mêmes stéréotypes et clichés persistent encore aujourd'hui dans nos cultures et sociétés contemporaines.

© Mai Ling

Mai Ling, La belle étrangère, 2019. Vidéo Haute Définition, couleur, son, 7 minutes 15 secondes © Mai Ling.

Une première exposition monographique

Cette première exposition monographique du collectif montre la diversité des pratiques artistiques et activistes de Mai Ling tout en nouant un dialogue étroit avec les espaces du musée et sa riche collection, y intégrant également des voix propres au contexte français.

Pour guider les visiteurs, le collectif propose un audioguide associé à des cartels revus et réinterprétés, Mai Ling guide (2021) qui présente un récit alternatif des collections. Le collectif invite les visiteurs à réfléchir à la constitution de la collection du musée, en insufflant une vie nouvelle aux objets présentés et en leur faisant dire autre chose que ce qu’ils ont l’habitude d’exprimer - tout comme ce qui est fait pour le personnage de Mai Ling. Quelle image de l’Asie est véhiculée à travers les objets présentés ? Que signifie l’acte d’exposer dans un musée consacré aux arts asiatiques ? Après tout, qu’est ce que l’Asie ? Que signifie la nature asiatique que l’on assigne à un objet ou une personne.

Mai Ling guide audio

01 - French Introduction
03 - French China
05 - French SEA
07 - French Closing Credits
02 - French Main Palace
04 - French Japan
06 - French INDIA

Mai Ling, Mai Ling guides/Mai Ling guide, 2021. Pistes audio, durée totale 12 minutes © Mai Ling.

Visitez l'exposition

Mai Ling cuisine

Dans la série Mai Ling cuisine (2020-21), l’épisode montré explore la nature sensorielle et réconfortante de la nourriture à travers l’ASMR (une sensation de picotement déclenchée par des stimuli visuels et auditifs comme le chuchotement, la mastication) et le Mukbang (se filmer en mangeant de grandes quantités de nourriture devant un public). Que l’on soit seul, à deux ou en famille, lors d’une fête ou d’une cérémonie, en temps de paix ou de guerre, la nourriture représente une forme de sécurité et rassemble les individus. Elle permet également une forme de distinction à travers l’art culinaire que l’on nomme plus simplement la cuisine. La vidéo du collectif se propose d’explorer les ambivalences et les dualités liées à la cuisine et l’alimentation. En effet, la nourriture est autant source de plaisir que de dégoût, de confort que d’inconfort, d’excès que de mesure, d’abondance que de pénurie. La cuisine asiatique est marquée par cette dualité : savoureuse, elle peut sembler parfois repoussante en raison de l’utilisation de certains aliments insolites.

© Mai Ling

Mai Ling, Mai Ling Cuisine 2 - Manger : un plaisir et une protestation, 2021. Vidéo Haute Définition, couleur, son, 12 minutes 27 secondes © Mai Ling.

Mai Ling prend la parole

Dans une autre série en cours intitulée Mai Ling prend la parole (2020) et initiée lors du début de la pandémie de la Covid-19, le collectif propose des émissions en ligne diffusées en direct qui fédèrent activistes, artistes, commissaires et chercheurs de tous horizons qui ont observé la recrudescence du racisme anti-asiatique depuis l’émergence de la Covid-19. L’exposition présente les archives des quatre précédentes émissions en complément d’un épisode spécialement produit pour cette exposition avec l’écrivaine, réalisatrice et podcasteuse française Grace Ly.

La re-création de Qui est Mai Ling ? (2019/2021) invite les visiteurs de l’exposition à interagir avec le collectif sur les différents stéréotypes, préjugés et fantasmes véhiculés par la figure féminine asiatique. Ces mêmes clichés tendent souvent par ailleurs vers le fétichisme, le racisme et le sexisme ordinaire à partir du moment où l’individualité des personnes disparaît au profit d’une projection, d’une idée que l’on se fait.

© Mai Ling

Mai Ling, Mai Ling prend la parole #5, 2021. Vidéo Haute Définition, couleur, son, 29 min 15 secondes © Mai Ling. Entretien avec Grace Ly.

Mai Ling, Qui est Mai Ling ?

Mai Ling, Qui est Mai Ling ? (photo de la performance à Vienne), 2019/2021. Intervention dans l’espace public avec machine à écrire, cartes et ruban adhésif.Mai Ling, Qui est Mai Ling ? (photo de la performance à Vienne), 2019/2021.
Intervention dans l’espace public avec machine à écrire, cartes et ruban adhésif.
© Mai Ling

Mai Ling, Qui est Mai Ling ? Mai Ling, Parler dans le vide, 2019. Lettres et enregistrements en allemand et langues d’origine, 30 min 25 sec, avec livre d’artiste.

Dans un registre différent, l’installation Parler dans le vide (2019/2021) qui consiste en une oeuvre audio et sa transcription écrite évoque les différentes impossibilités de la parole auxquelles font face les femmes asiatiques nouvellement arrivées dans les pays germanophones. À travers des lettres fictionnelles, des femmes asiatiques parlent de leur difficulté à s’adapter à leur cadre de vie, à affronter certaines expériences douloureuses. La superposition textuelle et sonore (mêlant langues originales et traductions) brouille la compréhension et la représentation de chacune des histoires individuelles. La langue ainsi rendue opaque et inintelligible ne produit plus de sens.